Village pittoresque en Haute-Auvergne


Le poète de Pleaux

   Peintre, journaliste, historien et poète, Raymond Mil, de son vrai nom Raymond Mialaret, reste la figure marquante de la petite cité. Fidèle à sa terre et à ses traditions, il a sauvé de l'oubli notre histoire locale mais aussi a chanté avec émotion ses paysages familiers.
Il naquit à Pleaux le 19 avril 1890. A onze ans il entre au Petit Séminaire "source d'érudition, de rêve et de certitude religieuse" où naquit vraisemblablement sa vocation de poète. Après ses études de droit il s'installe greffier de la Justice de Paix à Pleaux, Raymond Mialaret s'adonne alors à la peinture, à la musique et, pour notre grand plaisir, à la poésie. Une poésie où il exalte la Nature, le terroir natal mais aussi le plaisir des joies simples, la chaleur du cantou ...
Raymond Mialaret nous a quitté le 11 février 1983. En plus de sa monographie Pleaux, situation, passé, présent, il nous a laissé trois recueils de poésies, Le Lün d'argent (1936), Brande et Serpolet (1965) et Sonnailles (1977). Ces derniers ouvrages sont aujourd'hui très difficiles à trouver, il me semble donc indispensable de les sortir de l'oubli en publiant ici trois poèmes.

Refuge

Coins favoris, je viens à vous d'un pas plus lent,
Pacages, fins bouleaux sur les fougères hautes,
Ruisseaux bleus des bas-fonds et genêts verts des côtes,
Mousses de la clairière et du chaume croulant ;

Tels ceux du bas-pays qui, les lèvres au flanc
D'un châtaignier meurtri lui confessaient leurs fautes.
Arbres, je me confie à vous comme à des hôtes
Très nobles, et mon âme oublie en vous parlant.

Le monde est laid, toi seule es splendide, Nature ;
Je cherche en toi ce qui console et ce qui dure,
Devant tout ce qui leurre et ce qui disparaît ;

J'accorde un bref regard à l'existence amère,
Que vaut l'amour et qui mérite mon regret ?
...Et pourtant... tous les miens, cette sainte : ma mère!

Raymond Mil (Brande et Serpolet)

Salut à Pleaux

Salut, humble cité quelque peu décrépite,
Toi que pour ton bonheur ignore l'univers,
Que rien n'immortalise et que nul n'a décrite
Avec ta robe de prés verts.

Salut, logis coiffés de lourdes tuiles grises
Qui fraternellement vous rassemblez autour
De quelques marronniers et de l'antique église
Si fière de sa tour !

Salut, clocher roman, qui domines l'espace
Des hauts puys du Cantal aux plateaux limousins
Et du pourpre Quinsac aux fonds bleus où s'effacent
Tous les clochers voisins.

Et tes cloches : Saint-Jean, Saint-Roch, la Bandarelle,
Sous les mâchicoulis mordorés de ton toit
Plus de vieux souvenirs voltigent autour d'elles
Que d'hirondelles près de toi.

Elles sonnent nos glas, nos hymens, nos baptêmes,
Nos tocsins, et les soirs lugubres de l'Avent ,
« Le Bon Roi Dagobert » sur les champs froids et blêmes
Résonné dans le vent.

Fontaines du Bournat,d'Empeyssines, Font-Vieille,
Bruit des urnes dont les beaux cuivres lumineux.
Sous l'arc brillant de l'eau que le soir rend vermeille
Ont du soleil en eux.

Séminaire, Luguet, demeure de la Rose,
Treize-Vents, Émpradel, vétuste Souqueiroux
Où le lün fait briller sa faible étoile rose
Sous les vastes toits roux ;

Creux-des-Monts où les loups venaient rôder naguère,
Châtaigniers du « Bocage », odeurs de serpolet,
Lessives et moissons, tes brandes, ta fougère,
Tout, près de toit, nous plaît;

Dans les troupeaux pourprés dont tintent les sonnailles,
Sous le geste d'airain du martyr de Bouval,
Dans les cris des gamins qui sur leur feu de paille
Font brûler Carnaval ;

Dans les cris des batteurs sous les auvents des granges,
Les chants des « réveillés », et dans les mille voix
De la Chasse-volante et des « trèves » étranges
Nous t'aimons mille fois!

Des bois, des Estourocs aux ruines de Scorailles,
Des champs féconds de Beth aux landes des Armonts,
Dans tes blés, tes genêts, tes talus, tes pierrailles
C'est toi que nous aimons,

Nous t'aimons dans l'essor de ton passé qui plane
Du lierre de Branzac au rocher de Saint-Till,
Dans le grillon qui chante et l'abeille qui glane
Ses aromes subtils...

Qu'importe si quelqu'un te raille ou te méprise,
Puisque tes fils voyant, au loin sur le plateau,
Après un long exil, ta silhouette grise,
Versent des pleurs de joie et lancent dans la brise
Ce cri fervent : Salut, salut notre vieux Pleaux!

Raymond Mil (Le Lün d'argent)

Le vieux Bournat

Une gentilhommière ancienne (Nébouzac)

Al Cantou

Sanctuaire de la famille, cheminée,
Quand on a le passé calme pour confident,
Près de toi chaque objet prend un charme obsédant :
Buis bénit, boîte à sel à demi-calcinée,

Lanterne, plaque noire en blason burinée,
Sphinx des chenêts pareils au chat les regardant,
« Andrillère » pendant sous ta hotte inclinée
Comme sous une cloche en sommeil le battant.

Sous ta protection quelque lutin folâtre
Mêle parfois la neige à la cendre de l'âtre
Et l'âme du rêveur à la voix du grillon,

Ton prestige grandit surtout lorsque s'éclaire
Le cuivre du calel sous ton feu vermillon,
- Etoile du berger d'un ciel crépusculaire. -

Raymond Mil (Le Lün d'argent)

 

  Abel Beaufrère a publié un fascicule retraçant la vie de Raymond Mialaret aux Editions Gerbert à Aurillac. 


    


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Pleaux - Haute-Auvergne © 1996, 1997 par Vincent Di Sanzo
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